Anniversaire Roger Milla: le «Vieux Lion» souffle ses 72 bougies

« La vieillesse, c’est quand on commence à dire : jamais je ne me suis senti aussi jeune. » Cet adage signé le célèbre écrivain français Jules Renard colle parfaitement à la peau de l’illustre Roger Milla.

Figure emblématique du football africain, celui qu’on surnomme affectueusement au Cameroun le «Vieux Lion», a en effet connu la gloire au niveau international aux portes de la quarantaine. A 38 printemps, ce vétéran imprévisible, capable de démarrages foudroyants et doté d’un sens du but inné a littéralement porté sa sélection en quart de finale du Mondial 1990 en Italie. Du jamais vu pour une sélection africaine !

Quatre ans plus tard, le « joueur africain du siècle » écrit de nouveau sa légende en devenant à 42 ans et 39 jours, le buteur le plus âgé en phase finale de Coupe du monde !

Photo: Roger Milla au Mondial 1990

Né le 20 mai 1952 à Yaoundé, Albert Roger Mooh Miller, dit Roger Milla, a effectué ses premières armes sous les couleurs des deux clubs de Douala, l’Éclair et ensuite les Léopards, avant de rallier les rangs du prestigieux Tonnerre Kalara Club de Yaoundé.

Vif, racé et doté d’un flair inimitable devant les cages dès son plus jeune âge, le Lionceau se distingue rapidement sous les couleurs du club de la capitale camerounaise décrochant notamment deux titres de champion. Lors de l’exercice 1974-1975, le buteur vedette des « Noir et Blanc » mène les siens sur le toit de l’Afrique en remportant la Coupe d’Afrique des vainqueurs de Coupes. Des prouesses qui lui valent à seulement 23 ans la prestigieuse récompense de Ballon d’or africain en 1976.

Son futur parcours en club ne sera pas aussi prestigieux. En effet, et après avoir tout glané au Cameroun, Roger Milla décide de quitter son pays natal pour rallier le «Vieux Continent».

Valenciennes FC lui propose alors son premier contrat. Toutefois, souvent blessé, mal dans ses baskets, la perle africaine a beaucoup de mal à s’habituer à la vie dans le nord de la France. Ses performances sur le rectangle vert s’en ressentent: seulement 6 buts signés lors de sa première saison européenne.

Sa seconde aventure du côté de l’AS Monaco (1979-1980) est également sans saveur. Départ pour Bastia (1980-1984) où ses séjours impromptus au Cameroun lassent les dirigeants:  On m’a jugé sur les apparences… les grands clubs européens n’ont pas cru en moi» explique aujourd’hui Milla avec un soupçon de rancœur.

Appelé à la rescousse de Saint-Etienne rétrogradé à l’époque en deuxième division, Roger Milla retrouve le chemin des filets en L2: 22 buts en 31 rencontres (1984-1986). Son périple s’achève à Montpellier HSC, club avec lequel le Lion rugit enfin de nouveau en faisant étalage de tout son talent de buteur. Après avoir fait parler la poudre à 62 reprises en Ligue 1, le canonnier camerounais décide de retourner au Cameroun en mai 1989 du côté de son ancien club, le Tonnerre de Yaoundé.

Parallèlement à cette réussite mitigée en Europe, la sélection camerounaise assiste à l’éclosion du phénoménal Milla. L’homme aux 102 capes avec les Lions a signé son premier but dès sa première apparition en sélection en juillet 1978.

Fer de lance indéboulonnable de la Tanière pendant plus de vingt ans, il participe à sa première Coupe du Monde en 1982 en Espagne avant d’enchaîner avec un sacre africain lors de la Coupe d’Afrique des Nations 1984. Milla avait à l’époque 32 ans et contrairement à ce que l’on a pu penser, c’est maintenant que sa carrière va décoller !

En 1986, Milla mène de nouveau l’attaque de son pays lors de la CAN organisée en Egypte. Il termine meilleur artificier de l’épreuve phare du football africain avec 4 unités mais les Lions s’inclinent aux tirs au but en finale face au pays organisateur.

A l’aube de ses 37 printemps, tous les observateurs pensaient que le «Vieux Lion» allait tirer sa révérence. Il part alors en pré-retraite à la Réunion et renonce même à la sélection en organisant deux jubilés mémorables qui avaient rassemblé plus de 100.000 personnes à Douala et Yaoundé.

Pourtant, et en 1988, le nom de Roger Milla émerge de nouveau et figure dans la liste des Lions sélectionnés en vue de la CAN au Maroc. Non seulement l’éternel buteur camerounais revient en sélection mais en plus il remporte pour la seconde fois l’épreuve reine du «Continent-mère» !

Cette fois-ci, c’est sûr, c’est le dernier feu d’artifice du buteur de 38 ans avec les Lions Indomptables. Et bien non, même pas…

Juin 1990. La grande messe du football mondial organisée en Italie approche… Huit ans après sa première apparition à la compétition suprême, la sélection camerounaise portait les espoirs du continent africain (avec l’Egypte). C’est alors que l’impensable se produisit !

« Le Vieux Lion » Roger Milla est rappelé en sélection par le président du Cameroun en personne ! A 38 ans, il va donc disputer sa troisième phase finale de Coupe du Monde, exploit dont il est le premier Africain à réaliser !

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Placé dans un rôle de doublure des illustres François Omam-Biyik et Cyril Makanaky durant la compétition, Milla a une nouvelle fois prouvé qu’il n’a rien perdu de son flair et de son explosivité malgré le poids des années. Le Cameroun se paie le luxe de battre l’Argentine (championne du monde en titre, 1-0) dès le match d’ouverture et enchaîne ensuite les prestations de qualité. Le capitaine des Lions est décisif et remplit son rôle au-delà des espérances en inscrivant quatre réalisations durant la compétition suprême.

En huitième de finale, mené 1-0, le Cameroun est en mauvaise posture face à la Colombie. Remplaçant en début de partie, le Lion décide alors de sortir ses griffes pour réaliser l’un des exploits les plus mémorables de l’histoire de la Coupe du monde.

Alors que ses partenaires n’ont pas réussi à dompter les coriaces « Cafeteros« , Milla rentre au cours des prolongations et se joue du fantasque portier colombien Higuita par deux fois à la 104e et à la 107e minute de jeu !

L’inusable canonnier du Tonnerre Yaoundé offre ainsi au Cameroun et au «Continent-mère» une première qualification historique pour les quarts de finale de la grande messe du football mondial.

Pour fêter comme il se doit son mémorable exploit, Milla esquisse alors quelques pas de danse spontanés, devenus célèbres depuis. A ses côtés, le poteau de corner, en guise de compagnon de danse, le monde entier découvre alors le « Makossa » (une danse urbaine camerounaise) ‘made in Roger Milla’ : Un déhanché aussi éphémère que spectaculaire, qui a contribué à bâtir la légende de cet athlète hors du commun.

« Ça m’est venu sur le moment, juste après que j’ai marqué mon premier but. C’était de l’instinct. Je ne pouvais absolument pas prévoir de le faire avant le tournoi parce que je ne pouvais pas du tout savoir si le coach allait me faire jouer… » Voilà comment l’homme aux 102 capes avec le Cameroun évoquait en 2016 à la BBC sa pittoresque démonstration de danse qui a continué à rythmer les exploits des Lions indomptables qui ont bien mérité leur surnom.

Lors de l’élection du Ballon d’Or africain 1990, et à 38 ans, Milla n’a pas de rival. Il est élu pour la deuxième fois de sa riche carrière sacré meilleur joueur africain de l’année. Il raccroche alors les crampons au sommet de sa gloire… Et pourtant… il y a encore plus incroyable !

Quatre ans plus tard, en 1994, le Roi du « Makossa » tente un ultime pari pour la Coupe du Monde aux Etats-Unis à… 42 ans ! L’attaquant qui n’a pratiquement plus joué au football depuis 1990 s’est une nouvelle fois imposé dans la liste des 23 du sélectionneur Henri Michel et retrouve son rôle de joker en vue du Mondial américain. Quatrième phase finale pour lui…

Les partenaires du double ballon d’or africain sont moins brillants que leurs prédécesseurs et leur élimination survient dès la phase de poules. Milla signe toutefois un dernier exploit retentissant avant de tirer définitivement sa révérence: Entré à la mi-temps lors de la dernière rencontre des groupes face à la Russie alors que son équipe était menée (défaite 6-1 au final), il trouve les ressources pour faire trembler les filets adverses ! A 42 ans et 39 jours, il devient le buteur le plus âgé en phase finale de Coupe du Monde. Un record qui risque de ne jamais être battu…